HUB Montreal / Art Explora : regards croisés sur les enjeux présents et futurs de la filière créative

Développement économique | Culture

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Entretien avec Philippe Rivière (Art Explora) et Olivier Gagnon (HUB Montréal)

Réunis en octobre au Québec pour la 9ème édition du HUB Montréal, évènement et marché international de la créativité numérique, Philippe Rivière, Directeur numérique de la Fondation Art Explora (France), président du jury du HUB cette année et Olivier Gagnon, chef du Développement International du HUB reviennent sur les opportunités créées par un tel évènement, les enjeux stratégiques de la filière créative et les synergies présentes et futures entre ses acteurs à l'international. Entretien.  

En quelques mots, pouvez-vous nous raconter l’évènement HUB Montréal qui s’est déroulé il y a quelques semaines, et Philippe nous raconter ce rôle de président du Jury ? 

Philippe Rivière : J’ai eu la chance d’être présent lors de différentes éditions du HUB, et d’avoir déjà été membre du jury. On m’a proposé cette année de présider le jury, ce qui était très challengeant car il fallait trouver et réunir ce jury en amont, voir l’ensemble des projets avant de les juger. C’était donc une édition particulièrement intense pour moi avec 5 prix à remettre (Prix de l’innovation, de l’impact social, de l’immersion, de la femme créative de l’année et l'International Outreach Award, ndlr) mais qui m’a permis d’avoir une proximité directe avec les très beaux projets présentés et les structures qui les portent. 

Olivier Gagnon : HUB Montréal cette année c'était plus de 120 activités proposées à près de 1200 participants, dont plus de 290 venus de l’extérieur du Québec, représentant 29 pays et plus de 1700 rencontres d’affaires facilitées. C'était une très belle édition, avec la sensation de s'être surpassé, en multipliant les opportunités d’affaires et favorisant la diversification des collaborations internationales et le développement de l’industrie créative québécoise sur la scène mondiale.

Cette édition 2025 avait pour thématique “Possibilités infinies : quand l’humain et la technologie s’unissent, la force du collectif atteint de nouveaux sommets”. Quels sont justement ces  “nouveaux sommets” selon vous concernant les industries créatives et culturelles et comment les atteindre ? 

P.R : Le HUB fait se rencontrer des acteurs des industries créatives et de l’immersivité au sens large. Les années précédentes, il y avait également un prix sur l’art urbain. Le champ des possibles est très vaste dès lors que l’on réunit dans la même pièce des acteurs de la technologie, avec Panasonic par exemple, partenaire de cette édition, et d’autres grands noms montréalais et internationaux des industries créatives, qui vont permettre par ces synergies de créer de nouvelles expériences créatrices d’émotions pour le public.  

O.G :  Les nouveaux sommets vers lesquels peuvent tendre la filière ICC se manifestent par une capacité accrue à innover, à repousser les limites de l’expérience artistique et immersive, et à créer des synergies inédites entre les talents humains et les outils technologiques. Il est essentiel de favoriser la collaboration entre différents secteurs : artistes, ingénieurs, entreprises technologiques et institutions culturelles. Les plateformes comme HUB Montréal jouent un rôle fondamental en mettant en relation ces acteurs, en facilitant le partage d’idées et en initiant des projets conjoints à l’échelle internationale. 

"Les nouveaux sommets vers lesquels peuvent tendre la filière ICC se manifestent par une capacité accrue à innover, à repousser les limites de l’expérience artistique et immersive (...). Il faut favoriser la collaboration entre différents secteurs : artistes, ingénieurs, entreprises technologiques et institutions culturelles."
  • Olivier Gagnon, Chef du Développement International de HUB Montréal
 

 

Quel rôle peut jouer un événement comme HUB Montréal pour le développement des industries culturelles et créatives dans les territoires, au Québec et à l’international ? 

P.R : C’est un accélérateur de découvertes, de possibilités et de business. Cela m’a permis suite à des éditions précédentes d’ouvrir une consultation pour des prestations créatives et de trouver des partenaires pour des projets de la Fondation, rencontrés au HUB. Au-delà de mixer créativité et technologies, ce rendez-vous sert de vitrine pour les porteurs de projets tout en les mettant en dialogue avec des acteurs à l’international. Cette année encore, il y avait des délégations japonaises, françaises, sud-américaines… tout est fait sur place pour initier les rencontres et les mises en relations professionnelles avec des outils de réservation de rendez-vous B to B et d’intelligence artificielle pour en proposer d’autres en fonction de la compatibilité des projets et des acteurs. 

O.G :  L’événement est devenu un rendez-vous incontournable pour engager une première discussion avec des intervenants influents du secteur. Pour cette dernière édition, HUB Montréal a mis en place un système de maillage particulièrement efficace, qui privilégie l’intelligence humaine à l’intelligence artificielle. Ce dispositif repose sur les nouveaux portails participants dans lesquels toutes les entreprises mettent leurs informations et leurs objectifs de rencontre pour ensuite faire une présélection des dix meilleurs choix parmi les participants internationaux et locaux, afin de favoriser les meilleures correspondances possibles. Ensuite, en connaissant les objectifs de chacun, nous complétons manuellement les agendas de manière personnalisée. Ce processus garantit des rencontres entièrement humaines, fondées sur les données recueillies lors des entretiens individuels menés tout au long de l’année.

Un évènement comme HUB, c’est aussi l’occasion de comparer les écosystèmes. Quelles similitudes et différences pouvez-vous observer aujourd’hui entre les industries culturelles et créatives au Québec ou en Amérique du Nord d’une manière générale et l’écosystème français ? Qu’est ce que ces modèles ont à apprendre l’un de l’autre ? 

P.R : Il y a  à Montréal, une ancienneté plus marquée sur le sujet des industries créatives. Un spectacle comme le Cirque du Soleil, créé à Montréal, c’est des années de R&D, de création, et de technologies réunies pour créer ces shows qui font le tour du monde. Il y a également moins de verticalité qu’en France, où on fonctionne davantage en silos, avec la réalité virtuelle d’un côté, la projection en salle, etc… qui ralentit peut-être la vision d’un champ créatif plus large, à 360 degrés. Pour le reste, la France a un écosystème qui peut être comparé à celui québécois, mais qui manque encore d'évènements comme le HUB pour une promotion à l’international. 

O.G : Le Québec se démarque par une reconnaissance internationale et une grande maturité, fruit d’une tradition de collaboration et d’exportation dans ses industries créatives, illustrée par ses grandes sociétés. Le secteur québécois s’impose ainsi comme une référence locale et mondiale.  Montréal s’est imposée comme le berceau de plusieurs grandes sociétés créatives, comme le Cirque du Soleil ouin mais aussi Moment Factory et des géants du jeu vidéo. Cette expérience et cette ouverture à l’exportation, ainsi qu’à la collaboration internationale, sont des atouts majeurs que les industries créatives et technologiques québécoises peuvent partager avec leurs homologues françaises.

"Il y a à Montréal, une ancienneté plus marquée sur le sujet des industries créatives (...) et moins de verticalité qu'en France, où on fonctionne davantage en silos, avec la réalité virtuelle d’un côté, la projection en salle, etc… qui ralentit peut-être la vision d’un champ créatif plus large, à 360 degrés."
  • Philippe Rivière, Directeur numérique de la Fondation Explora
 

Il y a à Montréal, une ancienneté plus marqué sur le sujet des industries créatives (...) et moins de verticalité qu'en  France, où on fonctionne davantage en silos, avec la réalité virtuelle d’un côté, la projection en salle, etc… qui ralentit peut-être la vision d’un champ créatif plus large, à 360 degrés.

Quel moment fort ou quel projet observé pendant l’évènement vous a particulièrement marqué ? Pouvez-vous nous le raconter ? 

P.R : Je citerai la présentation du projet du pavillon canadien ouvert d’avril à octobre à l’exposition universelle d’Osaka. L’architecture du pavillon évoquait le dégel d’une rivière au début du printemps avec un parti pris extrêmement fort de déambulation libre et une re-création de blocs de glace autour desquels pouvait déambuler le public équipé d’Ipad avec différentes couches de contenus. La possibilité de cette déambulation physique avec des outils numériques, et la gestion d’un flux continu (8000 personnes par jour) du public montre toute la portée de ce que l'écosystème montréalais est capable de faire dans la création d’expériences créatives. 

O.G : Ce sera DES moments fort pour moi. J’aimerais souligner la force de la complicité qui anime l’écosystème international réuni à HUB Montréal. Il est réellement impressionnant de voir autant de personnes issues d’horizons variés se rassembler sous un même toit et ressentir un véritable sentiment d’appartenance et de camaraderie. Puisque HUB Montréal est un événement conçu par et pour l’industrie, chaque participant se présente dans un état d’esprit axé sur le partage et la connexion. Ce climat favorise la création de liens solides et l’émergence de nouvelles collaborations, témoignant du dynamisme et de la vitalité de l’écosystème créatif international réuni lors de ce rendez-vous unique.

Philippe, vous êtes le Directeur numérique de la fondation Art Explora qui va être à la tête du projet Pleyel en Mouvement, un lieu de cultures contemporaines majeur qui prendra ses quartiers fin 2027 dans la nouvelle Gare Saint-Denis Pleyel à Saint-Denis. Quelle va être la place des nouvelles technologies et de la création numérique dans ce projet qui va faire rayonner un nouveau quartier culturel sur le territoire ? 

P.R : Le numérique va être au cœur de ce projet conçu comme un écosystème à part entière avec un incubateur culturel et des résidences d’artistes qui travaillent déjà avec des outils numériques ou veulent se spécialiser. On veut faire travailler ces artistes avec des start-up incubées sur place pour créer des œuvres immersives qui seront mises en contact direct des publics via des plateaux d’expérimentation. De la création à l’utilisation, il y aura toute une chaîne de valeur en action pour partager de nouveaux imaginaires au cœur de Pleyel, avec le désir de fédérer les acteurs locaux, le réseau scolaire et les associations du territoire autour des projets. 

"Avec "Pleyel en mouvement", on veut faire travailler des artistes avec des start-up incubées sur place et créer des oeuvres immersives qui seront mises en contact direct des publics via des plateaux d'expérimentation." 

Philippe Rivière, Directeur numérique de la Fondation Art Explora

 

Est-ce que les rencontres entre acteurs faites dans un évènement comme Hub Montréal peuvent nourrir ce projet Pleyel en Mouvement justement ?

P.R : Oui c’est évidemment une source d’inspiration pour Pleyel en mouvement mais également pour d’autres projets sur lesquels travaillent la Fondation Art Explora, avec laquelle on a des besoins assez réguliers liés à la création. Cela peut être des besoins très concrets, comme celui  d’une solution de son en itinérance pour un projet d’expérience sonore par exemple, ou des nouveaux concepts plus larges que j’ai vu là-bas et que je reviens présenter à Paris, et qui peuvent animer des envies de développement ici.