Point Fort d'Aubervilliers : la cohabitation douce entre un lieu culturel et ses riverains en soirée

Comment faire coexister une activité culturelle nocturne soutenue dans un nouveau quartier de vie résidentiel, et respecter ainsi les usages de chacun liés à la nuit ? C'est ce questionnement courant en matière d'aménagement auquel s'est récemment confronté le Point Fort d'Aubervilliers, lieu culturel transitoire ouvert en 2021 sur le territoire et géré par l'association Ville des Musiques du Monde, alors que le Fort fait l’objet depuis 2019 d’un grand projet de transformation et d’aménagement incluant depuis 2024 des premiers immeubles d’habitation. C'est dans le quartier Jean Jaurès, situé dans le Fort à proximité directe du Point Fort, dont la Halle et le chapiteau accueillent chaque année plus d’une centaine de manifestations artistiques et culturelles, souvent le soir, qu'environ 1500 habitants ont ainsi récemment emménagés. Une situation et des enjeux nouveaux qui nécessitent pour le Point Fort de réaliser des travaux de réduction des émergences sonores en cours depuis 2024. 

Dès la pré-ouverture du Point Fort en 2020, Villes des Musiques du monde fait réaliser des premières études acoustiques comme l'explique Sandrine Speidel, en charge des projets d'aménagements du lieu. Pour ce faire, l'association réunit une équipe composée d'un cabinet d'architecture, d'un conseil en électroacoustique et d'un bureau d'études acoustiques afin d’entreprendre cette phase de diagnostic et d'identification de différentes stratégies d'aménagement. Le but étant de pouvoir continuer d'exploiter le chapiteau pour des concerts et spectacles nécessitant de jouer à des niveaux sonores élevés. “Il s’agissait d’évaluer l’efficacité des solutions au regard de critères précis comme la performance artistique, le coût d’investissement, et la durabilité ou la ré éxploitation possible des matériaux dans un souci de développement durable”, explique Sandrine Speidel. Pour financer les travaux à venir, Le Point Fort a sollicité les partenaires publics locaux. Un budget de 460 000 € est réuni pour la mise en oeuvre de ces solutions sonores et d'accueil des publics.  Plaine Commune participe à hauteur de 120 000 €, avec à ses côtés la Direction Régionale des Affaires Culturelles (100 000 €), la ville d'Aubervilliers (100 000 €), le Centre National de la Musique (40 000 €) et la Métropole du Grand Paris (100 000 € avec 50% de la subvention accordée fléchée sur le son).

Première décision prise et non des moindres, celle d'arrêter tout type de programmation après minuit. Une solution pour éviter les nuisances en coeur de nuit, en complément des réflexions pour limiter les émergences sonores toute la première partie de soirée, correspondant à l'exploitation du site.

Longtemps étudiée et espérée, la solution de l’isolation acoustique du chapiteau ne sera finalement pas retenue, celle-ci étant contrainte par le poids, les complexes étudiés n’apportant qu’un faible gain en basse fréquence alors que c’est celle-ci la plus sensible pour l'oreille. Autre inconvénient, cette solution n’est pas récupérable, excluant toute possibilité de réutilisation du complexe acoustique après démontage pour une potentielle future exploitation du chapiteau. “L'ensemble du projet urbain est basé sur des considérations écologiques et la question du réemploi était présente dès le départ dans notre réflexion, d'autant plus que les équipements du Point Fort ne sont pas amenés à durer ad vitam æternam” continue Sandrine Speidel. En effet, en lien avec le projet d'aménagement du quartier, l'association travaille main dans la main avec Grand Paris Aménagement et la ville à la création d'un nouveau lieu culturel en dur "fermé, contrairement à la Halle actuelle, et complètement insonorisé", qui accueillera notamment une salle de spectacle, l'Ecole des musiques du monde, et d'autres acteurs culturels locaux. 

Villes des Musiques du monde, maître d'ouvrage sur le projet d'aménagement du Point Fort, opte donc finalement pour une combinaison d’écran acoustiques, soit 8 containers positionnés entre le chapiteau et la halle, qui permettent un gain potentiel satisfaisant de 10 décibels pondérés A (dB(A)) et qui pourront être réutilisés et revalorisés au terme du projet, et d’un contrôle et d’une optimisation de la directivité du son sur le site. “Les études ont montré que la réorientation de la scène dans un axe de diffusion opposé au nouveau quartier d’habitations limitait les émergences et donc les nuisances sonores pour les riverains”. Une rotation qui a nécessité des travaux de modification de l’ensemble du dispositif scénique d’éclairages, de sonorisation, et d’accès aussi, avec la création d’un sas d’entrée des artistes dans cette nouvelle configuration.

L'association fait également appel à David Rousseau, ingénieur système acousticien chez 63HZ, spécialisé dans l’optimisation de systèmes de musique amplifiés et déjà à la manoeuvre dans de nombreux lieux emblématiques (La Cigale, La Villette, Kilomètre 25, festival Marsatac) afin de mettre en oeuvre de nouvelles solutions de diffusion cardioïdes, permettant de favoriser la présence de la source sonore frontale et d’atténuer fortement (voire supprimer) les sons latéraux et arrières, pour limiter les nuisances. 
Une solution d’optimisation de la directivité du son qui sera également retenue pour une nouvelle scène open air sur une parcelle dans le prolongement du Point Fort plus éloignée des habitations, permettant de redéployer une partie de la programmation live autrefois accueillie dans la Halle, soit une quinzaine de date par saisons à partir de 2026.