Faire la ville la nuit, c'est avant tout l'éclairer, permettre aux habitants de circuler la nuit en toute sécurité, organiser et délimiter l'espace public, mais également mettre en valeur le patrimoine en rendant désirable cette obscurité en ville. En se dotant d'un Schéma Directeur d'Aménagement Lumière en 2023, Plaine Commune améliore son éclairage public pour répondre à ces défis et transformer l'image nocturne du territoire.
Schéma Directeur Aménagement Lumière : changer la vision de l'obscurité sur le territoire
Territoire
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© Jérémy Piot
Une nouvelle approche de l'éclairage public la nuit
Longtemps à la marge des politiques d'aménagement, l'éclairage public était autrefois souvent envisagé sous le prisme sécuritaire et routier, le travail mené par les collectivités consistant en priorité à la maintenance du parc d'éclairage, réseaux électrique compris. En même temps qu'une nouvelle approche de la nuit, plus active et citoyenne dans ses usages, gagnait ses lettres de noblesse ces dernières années, les enjeux autour de l'éclairage évoluaient eux aussi considérablement.
Le désir d'un confort, d'une désirabilité de la nuit, additionnée aux nouveaux enjeux environnementaux de sobriété énergétique ont amené Plaine Commune à se doter en 2023 d'un Schéma Directeur d'Aménagement Lumière pour définir ces nouvelles orientations. "Dès 2019, sous l'ancienne mandature de Plaine Commune, l'intention est là. et il y a eu une continuité depuis" explique Nathalie Frayssinet, cheffe de projets éclairage public à Plaine Commune.
"Réenvisager la politique lumière à l'échelle du territoire était devenue une nécessité. On ne peut plus éclairer les rues comme avant, déjà parce que cela consomme trop d'énergie, et les usages ne sont plus les mêmes. Il y a une nouvelle manière de faire la ville, incluant des voies de mobilités douces, plus de piétonnisation et de végétalisation dans l'espace public, de nouvelles technologies également. Repenser la façon de faire les espaces publics, c'est repenser comment on les éclaire". La collectivité débute ses études autour de l'éclairage en septembre 2021 et s'associe à Concepto, agence de conception lumière précurseure dans son domaine, mandaté alors pour aider la collectivité à aboutir en 2023 à un document engageant pour la décennie à venir.

© Jérémy Piot
Un éclairage plus sobre
Depuis plusieurs années, l'augmentation des coûts de l'énergie et la part de l'éclairage public dans les dépenses énergétiques des collectivités renforcent la nécessité d'agir pour en maîtriser les coûts. À l'échelle du territoire français, on considère en effet que 40% de la facture énergétique des collectivités est consacrée à l'éclairage. Plaine Commune ne fait pas exception à la règle et les diagnostics réalisés au début des années 2020 font état d'un parc éclairage public vetuste, avec 80% du dispositif à rénover dans les années à venir.
Première décision majeure actée dans le SDAL, le passage en LEDS de 100% du parc d'éclairage public d'ici 10 ans sur le territoire, technique très répandue pour réaliser des économies d'énergies et réduire l'impact environnemental de l'éclairage. Avec ce nouveau dispositif, la collectivité veut économiser 60% d'énergie en 2040, pour atteindre à horizon 2050 jusqu'à 75 % d'économies d'énergie, notamment grâce à différentes gradations d'éclairage en coeur de nuit.

Aménagement lumière de la place des athlètes réalisé par Concepto dans le Village Olympique à Saint-Denis. ©Laurent Monnet
Autre ambition forte du SDAL, commune à l'ensemble des projets menés par Plaine Commune dans l'espace public, celle de privilégier le réemploi dans ces nouveaux aménagements : "il y a une obligation de réemploi des luminaires, méthodologie déjà répandue de rénovation en LED de matériel existant traditionnel, mais aussi des candélabres, ce qui est une nouveauté nationale, pour limiter nos émissions de CO2 et l’utilisation des ressources" explique Nathalie Frayssinet. Premier démonstrateur de ces ambitions, l'aménagement lumière du Village des Athlètes, à cheval sur les communes de Saint-Denis, Saint-Ouen-sur-Seine et L'Ile-Saint-Denis, réalisé déjà par Concepto et très ambitieux en matière de réemploi et de nouvelles ambiances nocturnes et "à l'origine d'une vraie dynamique qui profite maintenant au SDAL pour l'ensemble du territoire ".
Protéger la biodiversité et développer une trame noire à l'échelle du territoire
La collectivité avec l'agence Concepto ont également identifié dès le début des études la nécessité d'adopter une sobriété lumineuse respectueuse de la biodiversité sur le territoire. En effet, l'éclairage artificiel a un impact souvent négatif sur les rythmes naturels et le développement de la faune et la flore, la santé humaine et même sur la qualité du ciel nocturne. À travers le SDAL, Plaine Commune s'attache, d'ici 2035 à développer la notion de trame noire, c'est à dire à sanctuariser des espaces non éclairés dans des zones de biodiversité primaires que sont les coeurs de parcs, les bords de Seine, etc...
Et quand l'obscurité totale ne sera pas possible à mettre en place, car incompatible avec la sécurisation des déplacements humains, la collectivité opte pour une mise en place progressive d'éclairages plus doux, d'une couleur plus chaude sur des corridors écoligiques identifiés. "L'innovation passe aussi par la volonté de jouer sur des temporalités à la fois nocturnes, avec des éclairages différents selon les temps de la nuit, et saisonnières, la biodiversité étant plus active l'été et la nécessité d'éclairer à cette période de l'année étant moindre".
Définir une identité nocturne avec les habitants
Depuis 2021, les services de Plaine Commune mènent aussi un travail de fond pour impliquer les habitants dans les réflexions liées à l'éclairage public et à l'identité nocturne qu'ils souhaitent donner à leurs villes et leurs quartiers. La communauté des "éclaireurs", réunissant une cinquantaine d'habitants et élus du territoire a ainsi été créée pour aider à la conception du SDAL et "concevoir une stratégie d'aménagement de l'éclairage et de l'ambiance lumineuse qui correspondent à leurs besoins et leurs attentes." Pour ce faire, ils ont participé a plusieurs balades nocturnes "pour comprendre les enjeux de l'éclairage, mais aussi leur présenter des solutions innovantes d'aménagement lumière" continue Nathalie Frayssinet.

Installation d'obscurothérapie dans le square du Temps des cerises à L'Ile-Saint-Denis. ©Simon Lambert
À l'occasion de ces balades, ils ont ainsi pu observer des parcours d'obscurothérapie à L'Ile-Saint-Denis, méthode d'éclairage au sol économe et protectrice de la biodiversité "coup de coeur des habitants", la projection d'oeuvres lumineuses sur des murs aveugles de bâtiment comme dans la rue Pablo Neruda à Villetaneuse et observer un démonstrateur de réemploi de mats abaissés rue de la liberté à Saint-Denis. Des balades et des échanges "très riches car les attentes sont parfois contradictoires entre sécurité, confort, volonté de voir les étoiles la nuit..." et qui vont participer entre 2026 et 2035, période de mise en place opérationnelle du SDAL, à définir cette identité nocturne, quartiers par quartiers, valorisant le patrimoine et les parcours urbains de chaque ville du territoire.

Projection d'une œuvre lumineuse sur un immeuble de la rue Pablo Neruda à Villetaneuse. @Simon Lambert