Plaine Commune / Perspective Brussels : regards croisés sur le retour des activités productives dans les territoires
Développement économique | Territoire
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Entretien avec Antoine de Borman (Perspective Brussels) et Adrien Delacroix (Plaine Commune)
Comment maintenir et diversifier les activités productives à l'échelle locale ? Après avoir échangé lors d'une table ronde du salon MIPIM à Cannes en mars dernier, Antoine de Borman, directeur général de Perspective Brussels, et Adrien Delacroix, conseiller en charge de l'Habitat, du foncier, de l'aménagement et de l'urbanisme à Plaine Commune se retrouvent pour évoquer les enjeux stratégiques sur leurs territoires respectifs. Entretien.
Les activités productives connaissent un regain d’intérêt depuis quelques années a au sein des grandes métropoles, notamment à Plaine Commune et à Bruxelles. Comment analysez-vous ces évolutions récentes et quels en sont les enjeux ?
Adrien Delacroix : La crise sanitaire de 2020 a accéléré les prises de conscience de l’extrême vulnérabilité de nos métropoles et de leur dépendance aux autres territoires dans un contexte d’urgence écologique. Nous avons souhaité avec la nouvelle équipe autour de Mathieu Hanotin, impulser un changement de paradigme en termes de développement territorial, c’est-à-dire privilégier un développement davantage au profit du territoire, de ses habitants et usagers et générateur d’emploi local.
Dans ce contexte, un changement de regard sur les activités productives s’est opéré avec une volonté de les maintenir en ville, et de renouer avec un passé industriel encore trop associé à la paupérisation et au chômage.
"Le fait de maintenir des activités productives au sein des métropoles est lié à la recherche d'une meilleure réponse aux besoins locaux mais également de s’inscrire dans les chaînes de valeurs industrielles et de jouer sur les atouts que les ensembles urbains disposent."
Antoine de Borman, directeur général de Perspective Brussels
Antoine de Borman : L’activité industrielle au sein de l’Union européenne est en déclin depuis plusieurs décennies et cela se reflète aussi dans les ensembles urbains. Mais plus récemment, les crises sanitaires, environnementales, diplomatiques de ces dernières années ont montré l’urgence d’accroitre la résilience des territoires. Et, par ailleurs, les activités productives évoluent. Le fait de maintenir des activités productives au sein des métropoles est lié à la recherche d'une meilleure réponse aux besoins locaux mais également de s’inscrire dans les chaînes de valeurs industrielles et de jouer sur les atouts que les ensembles urbains disposent.
Vous avez animé ensemble une table ronde à l’occasion du dernier salon du MIPIM qui s’est déroulé en mars dernier à Cannes. Que retenez-vous de ces échanges et quelles sont les similitudes qui vous ont marqué sur le développement de l’économie productive sur vos territoires respectifs ?
AD : Je pense que l’on a tous les deux été surpris des similitudes importantes entre nos deux territoires : du passé industriel au sujet de reconversion des nombreuses friches, en passant par les enjeux liés à la cohabitation entre ces activités productives, souvent sources de nuisances (bruit, livraisons…) et l’habitat….
AdB : Plaine Commune et la Région bruxelloise partagent des enjeux assez similaires: un bassin industriel en déclin, des enjeux de conversion de bureaux, une population assez jeune, de nombreuses institutions d’enseignement supérieur et universitaire présents sur le territoire... Il est frappant de voir que de nombreuses métropoles partagent des préoccupations communes, mais qu’elles ne sont pas toujours fort en lien afin d’identifier ensemble les réponses à y apporter. Ces échanges, comme celui qui a pris place au MIPIM, sont donc essentiels afin de favoriser ces collaborations.
Quelle sont les leviers à la main des métropoles pour maintenir ces activités productives en ville et pour encourager leurs implantations ?
AdB : Ce dont les activités productives ont besoin, c’est avant tout de l’espace pour développer leurs activités ! Le principal levier est donc de conserver un zonage restrictif qui identifie des zones dédiées à ces activités et empêche d’utiliser l’espace dédié à l’industrie manufacturière à d’autres fins. Cela n'empêche pas de réfléchir à des moyens de densifier ces zones. Aussi, une politique foncière et de régulation des prix permet de faire de la place à de nouveaux acteurs économiques souhaitant s’implanter. À Bruxelles, un organisme public gère et développe des parcs d’entreprises (Citydev) dans ce but. Enfin, pour bien calibrer ces mesures, il faut définir de manière précise les activités visées, ce qui n’est pas toujours aisé.
"La planification est sans aucun doute un levier important à la main des territoires. (...). L’enjeu pour nous est tout d’abord de bien définir le type d’activités productives que nous souhaitons encourager sur notre territoire avec un enjeu majeur en terme d’immobilier : moins de foncier disponible incite à verticaliser et densifier les activités."
Adrien Delacroix, conseiller en charge de l'habitat, du foncier, de l'aménagement et de l'urbanisme à Plaine Commune
AD : La planification est sans aucun doute un levier important à la main des territoires. La séquence de révision du Plan Local d'Urbanisme intercommunal (PLUi) dont nous sortons, nous a ainsi permis de traduire nos ambitions au sein de notre règlement. L’objectif est notamment de maintenir les activités productives sur nos nombreuses Zones d'Activité Economiques (ZAE) du territoire mais aussi à créer les conditions nécessaires pour les développer dans un tissu urbain plus dense et mixte.
Quels sont les grands enjeux stratégiques de votre territoire relatif au développement et au maintien d’activités productives en ville dans un contexte de raréfaction du foncier ?
AdB : La Région bruxelloise est un territoire relativement petit comparé à celui de Plaine commune. Il est très urbanisé. Cette promiscuité génère une pression immobilière sur les espaces dédiés aux activités productives, mettant en péril leur existence dans la capitale malgré leur importance dans l’écosystème économique local. La cohabitation des fonctions pose parfois également des difficultés.
AD : L’enjeu pour nous est tout d’abord de bien définir le type d’activités productives que nous souhaitons encourager sur notre territoire avec un enjeu majeur en terme d’immobilier : moins de foncier disponible incite à verticaliser et densifier les activités. Sur ce sujet, nous sommes en train de travailler à la formalisation d’une charte de l’immobilier économique pour encourager la production d’un immobilier productif adapté et vertueux. L’objectif plus globalement est de faire en sorte que notre projet économique territorial irrigue nos dynamiques urbaines à l’œuvre et crée de nouvelle opportunités.
Les Zones d'Activité Economiques sont là où se développent la majorité des activités productives dans les territoires. Ici, celle de Villetaneuse sur le territoire de Plaine Commune. Ph.Guignard, Photographe Philippe GUIGNARD (Air Images)
Des synergies de travail peuvent-elles être mises en place entre les deux territoires, quand bien même ils se trouvent dans deux pays différents ?
AD : Bien sûr ! les échanges de pratiques, le partage d’expérience permettent d’enrichir nos politiques publiques et de réfléchir à des solutions innovantes ou de monter en compétence sur certains sujets. Nous espérons que c’est le début d’une longue collaboration entre nos deux terrtoires.
AdB : Certainement ! Les planificateurs urbains ont beaucoup à apprendre les uns des autres, a fortiori quand ils rencontrent des défis similaires. A Bruxelles, nous avons pu développer des connaissances dans certains domaines spécifiques, comme l’économie circulaire, qui peut intéresser d’autres régions métropolitaines ; et nous sommes très intéressés d’apprendre également des outils, méthodes et stratégies développées dans d’autres grandes villes européennes.
Perspective Brussels en quelques mots
Perspective Brussels est le centre d’expertise régional de référence pour le développement régional et territorial bruxellois. Il est né de la fusion de différentes administrations et cellules chargées de la statistique, de la connaissance socioéconomique, et de la planification stratégique et réglementaire du territoire bruxellois. Au service du développement de la Région bruxelloise, Perspective produit l'expertise nécessaire à la Région pour se connaître, se projeter et se développer durablement afin de nourrir la réflexion et le débat public et répondre aux besoins et améliorer la qualité de vie des Bruxellois et des usagers de la Région.